Qu’est-ce qu’un modèle économique ? Quels sont les différents modèles et quelle est l'importance de ce modèle dans un projet de structure de l’économie sociale et solidaire (ESS) ? Interview croisée avec Marielle Zieds, chargée de mission à l’Avise, et Marc Richard, directeur de l'incubateur Les Écossolies.
Comment peut-on définir le modèle économique pour les structures de l’ESS ?
Marielle Zieds : Le modèle économique, c’est un peu le moteur qui fait fonctionner un projet d’utilité sociale. On parle de modèle économique, d’autres emploient le terme de modèle socio-économique. La question est de savoir comment on crée de la valeur mais pas uniquement sur le plan économique : on prend également en compte l’impact social, qui comprend la question environnementale. Construire son modèle économique (ou le repenser) c’est à la fois s’interroger sur la manière de créer cette valeur grâce à une activité de services ou de vente de biens – on parle alors d’offre de la structure – mais également sur la manière de rendre le modèle pérenne – c’est la vision de long terme du projet.
Marc Richard : Le modèle économique c’est le compte de résultats prévisionnel de la future entreprise : c’est son modèle d’affaires, à définir en fonction de la réponse à la finalité sociale ou environnementale. En soi, l’objectif est le même que la structure appartienne à l’ESS ou non : rendre l’activité pérenne. Néanmoins le fait qu’une entreprise sociale ou d’innovation sociale centre son activité autour de la réponse aux besoins du territoire, aux besoins sociétaux ou sociaux, influence fortement son modèle de ressources. Dans certaines SCOP, le chiffre d’affaires est uniquement lié à la production de biens ou de services ; pour d’autres structures, cela passe majoritairement par des subventions : le financeur n’est pas forcément le bénéficiaire. Il existe également des modèles mixtes alliant prestations de services et subventions ou mécénat. Ce qui est intéressant, c’est que le modèle est propre à chaque secteur et même quasiment à chaque entreprise.
Quelles sont les bonnes questions à se poser ?
Marc Richard : Dans l’accompagnement des projets émergents, on aborde assez rapidement l’élaboration du modèle de valeurs (l’impact que l’on vise), de ressources (ce qui alimente l’activité) et de produits (l’offre que l’on propose). C’est un des éléments-clés du projet, comme la stratégie, le modèle de financement, la communication. Il faut évoquer rapidement la nature des produits commercialisés, se demander si c’est le bénéficiaire qui payera ou une structure intermédiaire. En parallèle, cela permet de voir quel besoin est satisfait, à quelle clientèle on s’adresse, quelles sont les ressources nécessaires, etc. Pour pouvoir développer une belle idée, il faut la mettre à l’épreuve du modèle économique.
Marielle Zieds : Il faut garder en tête que le modèle économique est la clé de voûte de l’utilité sociale. Sans le modèle économique, on ne peut pas lancer les activités et envisager une pérennité de l’action mais il faut le penser comme un tout : on ne doit pas non plus regarder seulement l’équation financière. La valeur sociale que l’on rechercher doit rester au centre. Dans les modèles de l’ESS la valeur financière est au service du projet social et est, principalement, réinvestie dans l’activité de la structure afin d’amplifier l’impact social de l’entreprise : c’est la différence avec des modèles lucratifs.
La phase de réflexion autour du modèle économique peut donc aider à construire le projet ?
Marielle Zieds : Réfléchir au modèle économique peut permettre de développer son projet : il y a plein d’angles d’attaque, de rouages à observer. En interrogeant son modèle, on réfléchit aux partenaires opérationnels qui peuvent appuyer le développement d’un bien ou d’un service, identifier les ressources-clés, fait émerger des mutualisations possibles (lieu, matériel, etc.). Toutes ces réflexions sont de véritables leviers pour positionner son entreprise sociale au sein d’un écosystème et développer des partenariats ou des coopérations pour maximiser son impact social. C’est une dimension importante dans le déploiement du projet, qui permet de se poser les bonnes questions, qu’on soit en phase d’amorçage, de consolidation ou de changement d’échelle, car le modèle économique doit évoluer dans le temps.
Quel rôle joue l’accompagnement dans la réalisation ou la consolidation de son modèle économique ?
Marc Richard : S’entourer de personnes ressources est essentiel pour pouvoir avancer sans se perdre. Isolé, entreprendre est extrêmement compliqué. Il est important par exemple de maîtriser l’élaboration du budget prévisionnel, tout comme le plan de financement et le plan de trésorerie. Un modèle économique seul ne marche pas, il faut forcément assurer la cohérence entre le modèle et les différents flux financiers, ce qu’un porteur de projet a généralement du mal à maîtriser. C’est là - entre autres - que l’accompagnement est nécessaire.
Marielle Zieds : L’accompagnement permet d’avoir le regard neuf d’une personne extérieure qui pose les bonnes questions, analyse le projet et son modèle économique et permet ainsi de se réinterroger sur la raison de certains choix ou de certaines stratégies. Quand on est la tête dans le guidon on agit, parfois, par opportunisme : être accompagné permet de prendre du recul, de se demander si c’est vraiment en lien avec la finalité de la structure. Sur cette dimension, le modèle économique devient davantage un poil à gratter ! Mais il permet de challenger son projet, pour l’inscrire dans une démarche pérenne.
Pour aller plus loin
>> Parcourez le site des Ecossolies >> Découvrez l'article Trouver le bon modèle économique, réalisé par l'Avise >> Consultez les rubriques Se faire accompagner et Se faire financer, sur avise.org >> Trouvez votre accompagnateur sur la plateforme Hub ESS
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