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Coraline VAZ

Structurer une filière : retours d’expérience et bonnes pratiques de PTCE

Coopérer, mutualiser, s'associer : des valeurs au cœur du projet des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), dont beaucoup se sont engagés dans la mise en place de filières associant des partenaires variés. Filières de production, de valorisation ou de consommation voient ainsi le jour dans une logique d'ancrage territorial et, bien souvent, de transformation sociale. Un exercice de coopération rendu possible grâce à un certain nombre de bonnes pratiques.


La nécessité de construire la confiance sur du temps-long

Pour Philippe Lerouvillois, directeur du PTCE FE2I construit autour du groupe VALO (spécialiste de l'écologie industrielle et référence de l'économie circulaire en Lorraine) la première condition pour réussir la structuration d'une filière est le temps. Pour réunir des partenaires et les associer dans une démarche de coopération, il faut avant tout établir légitimité et confiance, qui ne peuvent s’acquérir en un jour. Ainsi, la construction patiente d'une bonne interconnaissance et d'une véritable reconnaissance est essentielle. « Nous avons été lauréats du premier appel à projets PTCE en 2014. Au démarrage, personne ne voulait coopérer ! Pour y arriver, il nous a fallu développer de nouveaux axes : l'économie circulaire, des programmes de recherche et développement très techniques, des partenariats avec l'Université, des institutions, des collectivités, etc. L'écosystème s'est avant tout construit via les projets ».

La preuve par l'exemple

La confiance ne peut s'établir uniquement autour d'une table. Philippe Lerouvillois défend le principe de "la preuve par l'exemple" : « Lorsque des projets concrets se développent et que des opérations structurantes d'envergure fonctionnent, la reconnaissance s'établit. Cela est vrai pour travailler autant avec des entreprises qu'avec les collectivités. Ces dernières nous regardaient un peu étrangement au début,mais lorsque le projet est démonstratif, c'est lui qui convainc. Il y a souvent ensuite un effet boule de neige ». L'existence de projets structurants est aussi une condition économique de réussite. Une filière se construira d'autant plus facilement et de manière pérenne qu'elle s'appuiera sur une activité source de valeur et suffisamment solide.

L’intégration des parties prenantes à la gouvernance

L'autre manière de réussir la coopération est d'associer l'ensemble des acteurs dans la gouvernance du projet. C'est le cas au sein de la Scic Bou'Sol, également structurée en PTCE, qui porte plusieurs boulangeries (deux à Marseille, une à Montpellier) à destination de la restauration collective et qui développe autour de ses boulangeries des filières bio et locales blé-farine-pain. Ceci dans une volonté de sécuriser ses approvisionnements, de s'assurer de leur qualité et d'établir une solidarité entre zones urbaines et rurales proches.

« Les meuniers et agriculteurs sont associés de la Scic » explique Benjamin Borel, co-gérant de Bou'Sol, qui défend l'idée d'une structuration en groupe plutôt qu'en réseau. « Alors qu'au début nous avions commencé en essaimant des boulangeries via un contrat de franchise, nous avons changé de stratégie pour aller vers une logique de groupe. Il s'agit de mieux maîtriser les créations de nouvelles boulangeries avec des partenaires en filiales, comme nous le prévoyons sur Paris d'ici fin 2022 et Rennes, puis plus tard sur Toulouse et Nice. Cette logique permet une meilleure cohérence entre nos projets, répond à l'attente de nos clients qui sont souvent des grands comptes qui préfèrent n'avoir qu'un seul interlocuteur et un tarif identique. Cela ouvre également la possibilité de compensations ou de mutualisations plus faciles entre les différentes structures ».


Le rôle du coordinateur

À l'autre bout de la France, l'écopôle alimentaire de la région d'Audruicq, dans le Pas-de-Calais, souligne l'importance du rôle d'opérateur de terrain ou de pilote. La première fonction d'un écopôle alimentaire (formule appelée à s'adapter partout ailleurs – c'est déjà le cas dans le pays Tolosan en Occitanie) est de structurer une filière bio locale. « Pour se restaurer avec des produits locaux, il faut une gamme de produits variés et complète, d'où une concertation obligatoire entre les producteurs », explique Dominique Hays, directeur du PTCE. « Il faut aussi réfléchir stockage, transformation, livraison, présentation à la vente... et tout cela doit être réinventé à l'échelle d'un territoire. Il faut donc un coordinateur qui assure l'articulation entre toutes ces fonctions et tous les acteurs engagés dans la démarche, et qui puisse aussi combler les maillons manquants ».

Ce rôle est assuré par l'association les Anges gardins, initiatrice du PTCE. Ailleurs, les deux gérants de Bou'Sol ou le directeur de FE2I le jouent à leur manière. Les premiers en incubant de nouveaux projets - comme Pastis, une future Scic marseillaise qui recyclera des biscuits et proposera une infrastructure logistique urbaine et péri-urbaine pour le stockage ou la livraison des produits. Le second en étant présent dans plusieurs réseaux, locaux ou nationaux, dont il a été cofondateur (Recylliance ou Ambition inclusion) ou non (Synapse), et en participant à diverses organisations patronales en région. « C'est aussi comme cela qu'on finit par être connu, reconnu et qu'on gagne la confiance », explique Philippe Lerouvillois.


La connaissance de la logique filière

Enfin, si une fibre entrepreneuriale et une bonne connaissance des secteurs sont indispensables, « une des conditions de la réussite est une solide culture générale sur la manière dont les filières fonctionnent. Nous devons sans cesse dépasser les idées reçues de quelques nouveaux opérateurs et prescripteurs publics pour expliquer la complexité des enjeux. Si l’on souhaite faire de l'agriculture maraîchère péri-urbaine autosuffisante, où fera-t-on pousser le blé ? Selon moi, un vrai travail de partage des connaissances sur tous ces sujets est nécessaire », explique Dominique Hays.

L'expertise, que ce soit dans l'écologie industrielle ou la filière boulangère, doit être solide. Au-delà de celle-ci, Dominique Hays est encore plus ambitieux, car selon lui, la situation l'exige : « Le Covid et la guerre en Ukraine ont montré les fragilités de nos systèmes et de nos marchés, qui sont des colosses aux pieds d'argile. Il faut donc repenser nos organisations et nos circuits mais aussi changer notre regard sur la création de richesse et de valeur, ainsi que les paramètres permettant de mesurer l'impact de nos actions. Il n'y aura pas de nouvelles filières sans ces nouveaux regards ! ».


L'Avise et la structuration de filières

L'Avise réalise des dossiers thématiques et sectoriels permettant de découvrir et de mieux appréhender les différents secteurs d'activité susceptibles de s'inscrire dans une dynamique de filières.

À travers ses différents programmes et appels à projets, l'Avise soutient le développement et la structuration de filières. Bou'Sol fut ainsi, en 2017, lauréat du programme P’INS, proposé par l'Avise et la Fondation MACIF - programme d’accompagnement des dirigeants de projets socialement innovants dans leur stratégie d'essaimage. Sur la période 2017 - 2020, l'Avise, en tant qu'organisme intermédiaire du Fonds social européen (FSE) au niveau national depuis 2004, a soutenu à travers son appel à projets "Développer les coopérations économiques territoriales au service de l’innovation sociale, de l’inclusion et de l’emploi sur les territoires" la conceptualisation et l'expérimentation dans de nouveaux territoires de l'Ecopôle alimentaire.

L’Avise et le centre de ressources du DLA sur l'insertion par l'activité économique (CR DLA IAE) ont également lancé en 2022 un programme collectif national de consolidation des structures de l’ESS ayant une activité d’upcycling. Il vise à permettre à une dizaine de structures ESS ayant une activité d’upcycling et un objectif d'insertion socio-professionnelle de :

  • trouver le bon modèle économique pour leur activité d'upcycling et atteindre un équilibre économique et financier pour cette activité,

  • mieux saisir le marché pour leur activité d'upcycling pour affiner la stratégie marketing et communication de cette activité,

  • pérenniser les ressources, les gisements et les clients pour leur activité d'upcycling.

Actuellement, dans le cadre du bouquet de services national à destination des PTCE, l'Avise propose aux PTCE émergents et existants le dispositif Transfert de Savoir-Faire (TSF), leur permettant notamment de travailler l'approche filière auprès d'un Compagnon PTCE.


En savoir plus

> Consultez le décryptage Structurer des filières économiques de territoire avec les acteurs de l'ESS > Consultez le décryptage Le nouveau printemps des Pôles territoriaux de coopération économique > Découvrez le nouveau Point de RepèrESS publié par le RTES : Collectivités et PTCE

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